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« My heart’s in the highlands, wherever I go.
Farewell to the Highlands, farewell to the north,
The birth-place of valour, the country of worth,
Wherever I wander, wherever I rove,
The Hills of highlands forever I love. »

« Mon cœur est dans les highlands, partout où je suis.

Adieu aux highlands, aux terres du nord,

Pays du courage et de la valeur,

Partout où je vais, partout où je cours,

Collines des highlands, je vous aime pour toujours »


Si ces vers de Robert BURNS, le barde écossais et chantre du whisky au XVIIIème siècle,
résonnent encore dans la vallée de la Coulange, entre Lavau et Davin, peu s’en étonnent ici…
La légende rapporte que le poète-fermier connaissait bien ce corridor pour l’avoir maintes
fois arpenté. Était-il parvenu ici par une façon précise ou s’était-il un peu égaré comme tant
d’autres sur ce chemin de la via Francigena, qui se fait hésitant au Pays du Haut Gué, et où
l’histoire a souvent conduit le voyageur à éviter la soldatesque et les écorcheurs ? Nul ne le
sait.

Robert Burns (1759-1796) on engraving from the 1800s. Scottish poet and lyricist. The national poet of Scotland. Engraved by W.Clerk and published by F.Glover Water Lane, Fleet St.


Aussi, comme tant de jacobites, fuyant la misère et la répression, Robert BURNS avait pris pour un temps le chemin de l’exil et s’était arrêté à Rivière les Fosses, séduit par sa vallée
enchanteresse.


Il n’est pas établi qu’il ait pu se lier d’amitié avec le vicomte de BLANCHELANDE,
propriétaire du château jusqu’à son funeste trépas, mais le fait que le descendant des GRANCEY ait repris aux anglais Tobago et la Trinité, et fut un temps gouverneur de Saint-Domingue, laisse augurer que les deux hommes avaient pu se rencontrer lors de soirées
comparatives entre rhum et whisky


Depuis les murs du château qui contrôlaient le carrefour et dominaient le célèbre puits à l’eau
si pure que sa renommée demeure encore, on se demande si ses nobles hôtes pouvaient déjà
apercevoir le houblon courir sur les pentes et qui ajouterait à la réputation de « riviera in
foveis ».


Robert BURNS, alors dans la pleine force de l’âge, ne laissait pas insensible les jeunes filles
du cru. On en vint à le surnommer, à l’instar du Vert Galant « green Burns » pour faire
honneur à sa langue natale. Certains prétendent qu’il en naquit quelques descendants, dont un
marquis local dont la traduction française évocatrice du surnom ne laisse aucun doute quant à
la filiation, en dépit de son approximation (et lorsqu’on sait que Robert avait supprimé le « e »
de son patronyme d’origine : Burnes). Ledit marquis de « Couille-Verte » fut bien connu à
Rivière, au milieu du siècle dernier. Certains – peu nombreux, certes – prétendent l’avoir vu,
quelques soirs de nostalgie, portant le kilt du clan Burns…


Il est probable que Robert composa une partie de ses célèbres poèmes à Rivière, et à l’époque
il n’était pas rare de l’entrevoir, pensif et inspiré, aux sources proches du Davin, dans cette
lande qui lui rappelait celle de sa lointaine Ecosse. Ces rêveries bachiques qu’il composait
dans sa langue natale (lallans) semblaient mieux lui venir en ce vallon oublié, et c’est tout
naturellement que les gens d’ici le surnommèrent le « fils de la lande » (ou de « la lanne » en
vieux françois du lieu). De fils de la lanne à MacdeLane, il n’y avait qu’un pas que ses
compagnons d’outre-manche présents franchirent allègrement, ce qui devint par l’alchimie de
la phonétique « Magdelaine » ou « Madeleine » et qui est resté aujourd’hui le nom de la
source qui jaillit du côteau.


Au XIXème siècle et au début du siècle précédent, l’eau, dont la pureté avait dû
indubitablement interpeller Robert BURNS pour son aptitude à produire une eau de vie
d’exception, était exploitée et vendue au marché de Dijon par la famille Jobard. Qualifiée de
naturelle, la source dite alors de « Sainte Madeleine » était vendue comme « la plus saine des
eaux de table, absolument pure et exempte de substances organiques » et on pouvait, ajoutait
l’étiquette, « la boire impunément sans discontinuer… »


Un jour Robert BURNS décida de « laisser les autres poètes déclamer sur la vigne et le vin et
ce vieil ivrogne de Bacchus, et de retourner chanter ce que nous a apporté le jus de l’orge
écossaise… »*
(selon la traduction du simple mot qu’on retrouva après son départ définitif
pour l’Ecosse, où il mourut quelques années plus tard après que son ami, le Baron de
BLANCHELANDE eut la tête tranchée en place de grève pour avoir trop soutenu le roi).

*formule d’ailleurs reprise dans un de ses poèmes célébrant la boisson nationale écossaise :


« Let other poets raise a fracas
Bout vines an’wines, an’drucken Bacchus, …
I sing the juice scotch bear makous,
In glass or jug… »


On n’entendit plus jamais parler de lui et il sombra dans l’oubli pour plus de deux siècles, et
le silence s’installa dans la vallée, comme dans les murs du Château des CUSSIGNY,
chevaliers et seigneurs de Rivière et de Vianges, et prédécesseurs illustres de
BLANCHELANDE, et qui laissèrent leurs armes à ce village bucolique.
Quelques décennies plus tard, le houblon se développa de manière exponentielle. Sa qualité
était reconnue de sorte qu’il fut considéré comme l’un des meilleurs « de Bourgogne » vers
1900, époque où les départements régionaux comptaient 346 brasseries, dont 16 pour la seule
Haute-Marne.


La renommé s’en fut pourtant comme elle était venue, et les brasseries avec.
C’est bien après – il y a quelques trente ans – que, sur ces mêmes côteaux, « quelques
hurluberlus magnifiques », reprenant au pied de la lettre la prose de Robert BURNS, ont
réhabilité « le triomphe du pampre et de sa culture », comme l’exprime avec talent Frédéric
CHEF (« Géographie sentimentale : un voyage à travers la Haute-Marne », Edition Le
Pythagore, novembre 2005)
:


« Ils se souvinrent de cette secrète alchimie d’un plaisir tiré de la treille ».
Ainsi, allait renaitre le prestigieux vignoble des Evêque de Langres, sous la férule et
l’ambition des chevaliers du Muid Montsaugeonnais « Planter la vigne, c’est civiliser le
néant !… ».


Plus bas, le carrefour de Rivière avait donné naissance, sur un vieux moulin, à une
ferblanterie qui engendra, ni plus, ni moins, que… l’entreprise SEB, et dont on peut encore
observer les bâtiments d’origine, rapidement jugés trop exigus. A proximité, une pépinière
avait repris l’entreprise MOISSENOT, pour cesser malheureusement son activité quelques
années plus tard…


C’est à ce même endroit, à portée de mousquet du donjon du château, que les nouveaux
pionniers du siècle viennent de jeter leur dévolu. Sur ce site de Lavau, ils installent une
brasserie, emportant dans leur aventure audacieuse, Bock’n Roll, qui produit déjà une bière
artisanale de qualité
, du côté d’Isômes.


Mais LINGONE n’entend pas en rester là. Elle a imaginé donner corps au projet
mythique et rabelaisien de Robert BURNS : faire vivre une distillerie sur les bords de la
Coulange, devenue couleur Spey…

O thou my muse !
Respire me, till i lisp an’wink
To sing thy name

Ô toi ma muse !

Domme-moi l’inspiration pour chanter ton nom

Jusqu’à ce que j’en bégaye et que mes yeux se ferment


Ainsi, sorti des brumes de l’imaginaire et du whisky écossais, l’histoire revient au galop. Une histoire au goût d’orge malté, au parfum de tanin de fûts du montsaugeonnais et d’une eau miraculeuse qui jaillit parmi les effluves de houblon

Texte extrapolé de fragments de l’histoire de R.B.,
traduit du lallans, et complété par la tradition orale de Rivière.
La plupart des détails historiques sont rigoureusement exacts.
Charles Guené, Mai 2021

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